La Première Conférence Panafricaine de l’Union Africaine (UA) sur l’éducation des filles et des femmes en Afrique (AU/Pancoged1), ouverte le 2 juillet à Addis-Abeba, marque un tournant crucial dans la lutte pour l’égalité des genres sur le continent. Placée sous le thème « Le démantèlement des Violences Basées sur le Genre (VBG) pour faciliter l’accès des filles à l’éducation et leurs réussites », cette conférence met en lumière une problématique persistante : les obstacles entravant l’éducation des filles en Afrique.
Ce défi n’est pas nouveau, mais son ampleur et ses conséquences exigent une attention renouvelée et des actions concertées. Les VBG constituent l’un des principaux obstacles à l’éducation des filles en Afrique. Ces violences, qui se manifestent sous diverses formes – physiques, sexuelles, psychologiques et économiques – sont enracinées dans des structures patriarcales et des normes socioculturelles profondément ancrées. « Les VBG ne sont pas seulement une violation des droits humains, elles sont également un obstacle majeur au développement durable », a déclaré Dr. Monique Nsanzabagarawa, Vice-présidente de la Commission de l’Union Africaine, lors de son discours d’ouverture.

Les statistiques sont alarmantes : selon l’UNESCO, près de 32 millions de filles en âge de fréquenter l’école primaire ne sont pas scolarisées en Afrique subsaharienne. Ces chiffres s’aggravent avec l’âge, et de nombreuses filles abandonnent l’école avant de terminer leur éducation secondaire, souvent en raison de mariages précoces, de grossesses non désirées, et de violences domestiques.
La nécessité d’un changement systémique
Pour aborder efficacement ces problématiques, il est impératif de démanteler les structures qui perpétuent les VBG. Cela nécessite des réformes législatives, des initiatives éducatives et des campagnes de sensibilisation à grande échelle. « Nous devons travailler ensemble pour créer un environnement où les filles peuvent apprendre sans peur et sans discrimination », a affirmé, à Femmes d’Afrique, Letty Chiwara, Représentante de l’ONU Femmes au Malawi. « Les interventions doivent être holistiques, impliquant non seulement les gouvernements, mais aussi les communautés, les ONG, et les organisations internationales », a renchéri, à Femmes d’Afrique, Simone Yankey-Ouattara, Coordinatrice par intérim de l’UA-CIEFFA. En effet, la mise en place de politiques de tolérance zéro envers les violences scolaires et la promotion de l’égalité des sexes dans les programmes éducatifs sont des mesures cruciales. De plus, il est essentiel de renforcer les mécanismes de soutien pour les victimes de VBG, y compris des services de santé, de conseils et de protection.

L’éducation comme outil d’émancipation
L’accès à une éducation de qualité est fondamental pour l’émancipation des filles et des femmes. L’éducation leur permet de devenir des agents de changement dans leurs communautés, de participer activement à la vie économique, et de revendiquer leurs droits.
« L’éducation est l’arme la plus puissante que nous pouvons utiliser pour changer les choses », a rappelé Janet Ramatoulie Sallah-Njie, Rapporteure spéciale sur les droits des femmes en Afrique, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (UA) lors de son intervention. « Il est important que les Etats membres s’impliquent ardemment afin d’accroître les efforts pour l’éducation de la fille ».
Julie Mwabe, du Plaidoyer mondial et leadership public au Partenariat Mondial de l’Education a souligné : « Les programmes éducatifs doivent être adaptés aux besoins spécifiques des filles, en tenant compte des défis particuliers qu’elles rencontrent ». « Cela inclut l’amélioration des infrastructures scolaires pour garantir un environnement sécurisé, la formation des enseignants sur les questions de genre, et la fourniture de matériels scolaires adaptés », a-t-elle détaillé.
Vers un avenir égalitaire
La conférence a également souligné l’importance de l’implication des hommes et des garçons dans la lutte contre les VBG et la promotion de l’éducation des filles. « Il est crucial que nous impliquions les hommes dans cette lutte, car l’égalité des sexes bénéficie à toute la société », a souligné Chiwara. Elle a ajouté que les initiatives de mentorat et les programmes de sensibilisation dans les écoles et les communautés sont des moyens efficaces pour changer les mentalités et encourager une culture de respect et d’égalité. « En outre, le rôle des médias et des réseaux sociaux dans la diffusion de messages positifs sur l’égalité des sexes et l’éducation des filles ne peut être sous-estimé ».
La Première Conférence Panafricaine de l’Union Africaine sur l’éducation des filles et des femmes en Afrique est une étape significative vers la réalisation de l’égalité des genres sur le continent. « En démantelant les violences basées sur le genre, nous pouvons non seulement faciliter l’accès des filles à l’éducation, mais aussi garantir leur réussite et leur épanouissement », a espéré le Dr Martha Mulhezi, directrice exécutive du FAWE (Forum des éducatrices africaines), une organisation non gouvernementale panafricaine fondée en 1992 par cinq femmes Ministres de l’éducation. « Il est temps de transformer nos engagements en actions concrètes pour un avenir où chaque fille africaine peut réaliser son plein potentiel sans peur ni discrimination.
Et Yankey-Ouattara de conclure : « En rétrospective, l’histoire des droits des filles et des femmes en Afrique est marquée par des luttes et des résiliences », a-t-elle dit, à Femmes d’Afrique. « En regardant vers le futur, il est impératif de construire sur ces fondations pour créer une société plus juste et équitable. Les enjeux sont immenses, mais avec une volonté collective et des actions décisives, un avenir meilleur pour toutes les filles et les femmes africaines est à notre portée ».
Sylvestre TETCHIADA