ARLETTE SOUDAN-NONAULT,MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT, DU DEVELOPPEMENTDURABLE ET DU BASSIN DU CONGO
L'invitée

ARLETTE SOUDAN-NONAULT,MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT, DU DEVELOPPEMENTDURABLE ET DU BASSIN DU CONGO

« Les changements climatiques deviennent une préoccupation majeure pour les plus hautes instances du continent car ce sont des déclencheurs de crises liées aux déplacements de populations »

ARLETTE SOUDAN-NONAULT

Votre ministère est en charge de l’Environnement et du Développement durable dans votre pays.

Décrivez-nous, en quelques mots, vos missions et rôles pour la sauvegarde de l’écosystème environnemental au Congo ?

Les missions et le rôle de mon département ministériel sont entre autres :

– La mise en place du cadre réglementaire pour la protection de l’environnement et veiller son application à travers le suivi et le contrôle ;

– De promouvoir les politiques de protections de l’environnement par l’intégration des enjeux biodiversité, la lutte contre les pollutions notamment les déchets ainsi que la lutte contre le changement climatique dans la planification de politiques sectorielles pour le développement durable et résilient de notre pays ;

– D’assurer la prévention des risques climatiques et environnementaux à travers l’éducation et la sensibilisation des citoyens sur la préservation des milieux et l’utilisation rationnelle des ressources naturelles ainsi que le suivi et contrôle des activités des opérateurs économiques ;

– D’assurer la représentation du Congo aux négociations internationales en matière d’environnement et promouvoir les réalisations en la matière. Parmi les préoccupations critiques auxquelles est confronté le continent, l’Union Africaine, lors de son récent Sommet, a cité le changement climatique.

Que revêt ce terme et quel est son impact sur les populations ?

Le terme « Changements climatiques » désigne les variations des températures et des conditions météorologiques sur le long terme.

Ces variations résultent principalement des activités anthropiques, notamment de l’utilisation des combustibles fossiles tels que le charbon, le pétrole, et le gaz qui produisent des gaz à effet de serre. Comme vous le savez, bien que l’Afrique ne soit pas un continent à faible taux d’émissions de gaz à effet de serre, il n’en demeure malheureusement pas moins démuni face aux chocs climatiques

Bien au contraire, l’Afrique en paie le plus fort tribut. Le continent est le théâtre d’une multiplication d’évènements extrêmes qui se manifestent selon les géographies, par des pluies diluviennes et des inondations, des sécheresses, ayant des impacts sur la santé, la sécurité alimentaire, la sécurité et l’intégrité des populations les plus vulnérables.

La pauvreté déjà préexistante, risque à ce rythme de s’installer durablement et deviendra endémique en Afrique. Comme vous le savez, les catastrophes post inondations, la raréfaction des ressources en eau potable et en terres arables sont des facteurs de ralentissement du développement dont la planification est constamment mise à mal par la gestion des crises.

Il faut noter que les changements climatiques deviennent une préoccupation majeure pour les plus hautes instances du continent car ce sont des déclencheurs de crises liées aux déplacements de populations avec des risques d’instabilité dans certaines régions.

Quelles mesures de prévention et de protection de vos populations aviez-vous prises dans votre pays ? Quels résultats probants avez-vous obtenues à ce jour ?

Il convient de rappeler que le ministère de l’environnement a pour mission la prévention, la sensibilisation et l’accompagnement des poli[1]tiques publiques pour garantir la durabilité et la résilience de la croissance et du développement économique et social du pays.

Dans ce cadre, il est attendu le développement d’outils d’appui à la décision pour assurer l’intégrité environnementale et la résilience climatique des pro[1]jets de développement économique et social du pays.

Ainsi, le Congo dispose d’un document d’orientation stratégique sur le climat appelé CDN assorti d’un plan d’action, lequel traduit en action d’une part les engagements pris pour l’Accord de Paris en termes de réduction des émissions, mais également, notre pays présentant une forte vulnérabilité climatique, la CDN offre la possibilité aux décideurs sectoriels de prendre les mesures d’adaptation qu’il conviendra afin de renforcer la résilience de leurs projets et programmes.

L’adaptation au changement climatique étant très onéreuse, le ministère de l’environnement en tant que point focal des mécanismes de financement internationaux sur le climat et l’environnement assure également le rôle de facilitateur et de mobilisateur de financement et d’appui techniques internationaux pour accompagner les secteurs pour leur transition écologique ou leur résilience climatique. L’agriculture industrielle, la récolte illégale de bois, l’exploitation minière, la déforestation… sont les principales activités qui, aujourd’hui, menacent l’environnement dans le Bassin du Congo.

Tout en définissant ce que c’est que le Bassin du Congo, pourriez-vous nous dire ce que vous faites pour circonscrire ces menaces croissantes pour les forêts et rivières de la région ?

Situé en plein cœur de l’Afrique, le bassin du Congo occupe la deuxième place mondiale en termes de superficie des bassins versants environ 3,7millions de km2 derrière le bassin amazonien. C’est 70% de la couverture forestière d’Afrique qui s’y trouve et 91% des forêts denses et humides d’Afrique d’où l’appellation « deuxième poumon de la planète » car il constitue une réserve de carbone d’importance mondiale pour la régulation du climat. Les forêts du bassin du Congo abritent la plus importante biodiversité d’Afrique soit 60%, comprenant environ 14000 espèces de plantes et d’espèces remarquables et uniques.

Les Chefs d’Etat et de gouvernements des pays du Bassin du Congo ont pris conscience de l’importance de la sauvegarde de ce patrimoine précieux dès le premier sommet de Rio 1992. Dès les premières alertes internationales sur le déclin environnemental, les Chefs d’Etat de la sous-région ont pris la mesure du risque encouru sur le capital naturel et ont mis en place les premiers jalons d’une gouvernance harmonisée des ressources forestières pour en assurer une gestion durable.

C’est ainsi qu’est née la COMIFAC, la commission des ministres des forêts d’Afrique centrale, au travers de laquelle des cadres juridiques et institutionnels ainsi que des programmes régionaux spécifiques à la gestion durable, la certification forestière et la conservation de la biodiversité ont permis de renforcer les états en la matière et surtout de garder ces forêts dans un état de conservation élevé.

Suite à l’adoption de l’Accord de Paris, les pays du Bassin du Congo se sont dotés d’une institution sous régionale dédiée au climat : La Commission Climat du Bassin du Congo, assortie d’un mécanisme de financement appelé fonds bleu du Bassin du Congo. Les missions de la CCBC sont entre autres de :

– Coordonner et orienter les initiatives prioritaires dans le domaine de la lutte contre les changements climatiques et du développement durable dans ses états membres ;

– Mobiliser les partenaires techniques et financiers, bilatéraux et multilatéraux et non-étatiques du continent, pour appuis techniques multiformes ;

– Assurer les synergies au niveau continental et international sur les changements climatiques à travers la diplomatie climatique. Enfin, le bassin du Congo, en dépit de sa taille, attire moins de fonds que les autres grandes régions forestières mondiales, selon une récente analyse des flux financiers faite par le CIFOR, Center for International Forestry Research.

Il se situe loin derrière l’Asie du Sud-Est et l’Amazonie pour ce qui est de capter les fonds internationaux dédiés à la gestion durable et à la protection de la nature.

Quelles sont les raisons qui expliquent que l’Asie du Sud-Est et la région amazonienne attirent plus volontiers les financements internationaux ?

Dans le cadre de ses missions, la CCBC au travers du Fonds bleu a répertorié 254 projets requérant des financements pour leur mise en œuvre. A cet effet, une table ronde des bailleurs est programmée à Brazzaville en septembre 2024. Et en préparation de cette table ronde, je m’apprête en tant que SE CCBC à effectuer une tournée régionale en mars et avril en vue de la finalisation des dossiers avec les autorités des pays en charge des finances, du plan, de l’environnement et des forêts. Pour pallier au déséquilibre de financement malgré les politiques vertueuses et l’état de conservation des forêts du Bassin du Congo, le Chef de l’État a convoqué une réunion des trois Bassins en octobre 2023, en vue d’activer une plus forte coopération entre les trois plus grands bassins forestiers et impulser une action et une mobilisation équilibrée des financements.

Ceci pour reconnaitre à leur juste valeur les services écosystémiques rendus par le Bassin du Congo au niveau mondial.

LEAVE A RESPONSE

Your email address will not be published. Required fields are marked *